« Personne ne sait tout, tout le monde sait quelque chose. »
« Si tu ne sais pas demande, mais si tu sais partage ! »
Le marché de connaissances est fondé sur la coopération et l’égale dignité de toutes les personnes. C’est par ailleurs une activité particulièrement motivante, où apprendre est d’abord un plaisir.
"Cela l'a permis de me réassurer dans mes convictions quant à la solidarité, au partage, à la simplicité des situations de transmission...
Le collectif, c'est important, c'est un appui. On n'est pas tout seul !"
Le mardi 7 mai 2019, à l'Espé, un groupe d'étudiant.e.s a participé à un marché des connaissances :
Le marché de connaissances est un dispositif consacré à l’échange des savoirs.
Il vise à la prise de conscience par une communauté de la multiplicité des savoirs et des intelligences de ses membres, y compris des savoirs habituellement non reconnus au sein de l'institution scolaire.
Emmanuel Soccodato, enseignant dans la région lyonnaise,
partage avec vous son expérience et sa réflexion sur les marchés de connaissances...
Organiser un marché des connaissances est toujours un moment particulier dans une classe et dans une école. Les élèves semblent toujours très impliqués dans le dispositif et certains enfants, que l'on cherche à dynamiser en classe, deviennent méconnaissables.
Un marché des connaissances permet de mettre les élèves en situation d'enseignement à partir de connaissances qu'ils ont envie de transmettre aux autres.
Le marché a lieu sur au moins deux sessions, qui peuvent avoir lieu sur la même matinée, avec une pause au milieu, ou bien sur un jour puis son lendemain.
Les enfants sont à tour de rôle marchand et clients et tiennent des stands où ils enseignent un savoir.
J'ai pu organiser des marchés de connaissances au cycle 2 et au cycle 3 mais aussi en maternelle. Le dispositif fonctionne pour tous les niveaux, même avec des petites sections s'ils sont mis en tutorat avec un enfant plus âgé.
Donc, pendant un marché, les enfants tiennent des stands où ils enseignent aux autres un savoir qu'ils auront choisi d'enseigner.
Il y a toujours au moins un enfant à chaque stand (dans certaines écoles, les collègues souhaitent qu'il y eût toujours deux enfants présents, à voir).
Le marchand doit pendant au maximum dix minutes présenter le savoir qu'il va enseigner, l'enseigner et enfin valider l'acquis.
Si l'apprenant réussit (dénommé « le client » du stand), il se verra récompensé par une signature dans un passeport, un numéro entouré sur un carton, une feuille dessinée qu'il ira coller sur un grand arbre... Sur cet arbre, toutes les feuilles ayant été « gagnées » pendant le marché resteront ensuite un moment dans un endroit de l'école comme souvenir de ce bon moment.
Il y a plusieurs façons d'organiser un marché du côté des enseignants. Voici celles auxquelles j'ai pu participer.
Ici, les élèves ont toutes libertés de proposer un savoir. Les enseignants n'ont alors pas à juger ni à valider ou invalider les idées des élèves en dehors de la faisabilité de leurs propositions. L'idée ici est de valoriser toutes formes de savoir que les élèves jugent utiles de transmettre. Cela peut aller de la fabrication de scoubidous, à la conception de cookies, en passant par la réalisation de tir au but, ou bien la connaissance des différentes dynasties des rois de France...
Si l'on pense à notre école française tellement orientée sur l'intelligence verbale et logico-mathématique, c'est une grande respiration pour les élèves que d'avoir au moins une fois dans l'année un moment où ils peuvent, dans l'école, montrer qu'ils aiment et savent faire des choses qui ne soient pas nécessairement estampillées "scolaires".
C'est un moment important où il est aussi question de valoriser des compétences qui sont peu visibles à l'école : savoir-faire manuel, savoir-faire artistique, savoir-faire sportif ...
Je garde un excellent souvenir d'un marché des connaissances que j'avais organisé quand j'étais stagiaire. Il y avait une classe de CM2 très difficile avec un collègue lui aussi stagiaire qui était en conflit avec sa classe. À la fin du marché, ce sont ses élèves qui sont allés chercher pelles et balais pour nettoyer les salles. Nous étions tous surpris et contents !
On peut aussi faire le choix de donner un thème au marché, par exemple : le corps (école Jean Gerson en 2018).
Il fut très intéressant d'introduire le marché à partir d'un thème obligé pour constater qu'en fonction des classes, celui-ci prenait une coloration plutôt scientifique, plutôt artistique, plutôt littéraire...
Au final, même si le fonctionnement était le même que pour un marché libre, je pense que le fait de donner un thème a permis aux enfants de constater l'aspect heuristique de la pensée où en partant d'une notion, il est possible d'ouvrir plein de tiroirs et d'y puiser des ressources « infinies ».
Le marché des connaissances peut être un dispositif permettant aux élèves d'échanger autour d'acquis nouveaux.
L'enfant à l'aise avec une notion peut s'associer à un enfant moins habile pour monter un stand. Puis, pendant une session à l'intérieur de la classe, les enfants seront à tour de rôle marchand et client à partir de notions vues en classe afin de les réviser.
On peut aussi imaginer un marché entre classes de même niveau toujours sur les dernières connaissances acquises.
Enfin, les termes marchand et client permettent d'aborder en classe la notion d'économie de désir dont nous parlons peu dans les médias. En effet, pourquoi réserver les mots marchand et client à la seule économie de marché ?
Ici, le mot marché a l'avantage de rendre clair le dispositif pour les enfants. Mais il met aussi en valeur une qualité d'échange entre individus, sous la forme de don / contre-don, sans qu'il n'y ait jamais de monnaie d'échange.
C'est bien une économie de désir qui se met en place : j'ai envie d'enseigner / j'ai envie d'apprendre.
Je me sens valorisé, car j'enseigne / je me sens valorisé, car j'ai compris. Je sais faire ça, tu vas l'apprendre à ton tour, car je vais te le transmettre.
Peut-être l'économie de demain ?
Place maintenant aux documents pédagogiques, où il sera aussi question de métacognition, notamment sur comment l'on fait pour faire apprendre et enfin sur la possibilité d'un retour métacognitif sur les différentes modalités d'apprentissage ayant eu lieu pendant le marché en aval de ce dernier.
Bonne lecture !
Emmanuel Soccodato
L'école dont je rêve...
"Les classes ou du moins certaines activités seraient multi âges. Chacun pourrait être, selon les circonstances, dans la position du grand qui aide les plus jeunes ou à l'inverse, être en position de profiter de l'expérience de ses ainés."
Noémie, 27 ans