Nous mettrons à votre disposition, sur cette page,
des enregistrements, des outils méthodologiques et pédagogiques élaborés dans le cadre de l'action-recherche "Lire le monde".
Vous trouverez d'autres outils pédagogiques proposés et expérimentés par des collègues dans la rubriques "témoignages d'expériences".
Si vous souhaiter nous rejoindre dans cette réflexion, n"hésitez pas à nous contacter...
Un article de Vincent Massart
Peut-on faire oublier les questions aux élèves ?[1]
Question provocatrice quand on sait que ces « questions » constituent l'essentiel du rapport que les élèves toutes catégories confondues entretiennent avec le texte rencontré dans le cadre de la scolarité.
A la question posée en primaire (Coralie, CM2) : « Qu'est-ce que tu fais en français ? » La réponse invariablement est :
– ben ! Heu ! Je réponds à des questions...
A la question posée à un ex-élève de Bac (Yohan, 1ère année BTS) : « Si tu devais identifier une activité emblématique des cours de français pendant ta scolarité que garderais-tu ? La réponse est la suivante :
– un texte et des questions.
On ne va pas se flageller ! Les questionnaires c'est ce que l'on (le prof, moi, vous peut-être) savons le mieux faire. Et plutôt que de jeter le bébé avec l'eau du bain, questions et questionnaires, arrêtons-nous un instant sur cette activité pour en discuter l'intérêt, les limites et les enjeux d'apprentissage.
En préambule, deux types de constats s'imposent à celui qui se trouve en observation dans les classes et/ou en formation de jeunes collègues.
Premier constat :
D'abord, on constate chez les enseignants débutants (mais en la matière on peut le rester longtemps), une réelle difficulté à bâtir une activité autre que le «questionnaire ». Le second constat est la prolifération sur le média internet des propositions tout azimut de « questionnaires de lecture » qui présente comme une activité d'évidence ce qui n'est qu'une activité didactique possible parmi d'autres...
Second constat :
Il existe un hiatus de taille entre l'usage que l'enseignant fait du questionnaire et celui intégré par l'élève en situation.
Le premier pense et pose des questions à son élève pour l'amener – l'obliger – à lire le texte... dans le but de l'amener à le comprendre. Le questionnaire n'est ici qu'un outil, un processus, qui s'inscrit dans une démarche heuristique et herméneutique où l'apprenti lecteur doit – je dirais, coûte que coûte – entrer dans une compréhension et l'élaboration du sens.
Le second, l'élève, à force de questionnaires, a toutes les chances de se méprendre sur la finalité de l'exercice. Pour lui (c'est la réponse de Yohan), le moyen se confond avec l'objectif et la lecture devient le préalable non pas à la compréhension mais à la réponse ; où comprendre, c'est « bien » répondre à « la » question. Pourquoi, dès lors, lit-on à l'école ? Et ma foi ! Pour pouvoir répondre aux questions posées ! Le hiatus identifié devient une aporie didactique et un contre-sens pédagogique (oh ! Le gros mot !). Aporie, car au moment même où le prof pense son dispositif en fonction d'un objectif, celui-ci disparaît au regard de l'élève dont l'activité cognitive s'arrête alors au dispositif, l'intelligence éveillée par le prof. évaporée en chemin. Les questions fonctionnant souvent comme ces miettes de pain avec lesquelles l'enseignant voudrait tracer son itinéraire, mais à force de dévorer des questions le chemin disparaît et quand il se retourne le Petit Poucet lecteur est bel et bien égaré !
Alors quoi ! Haro sur les questions ?
Pas si vite et à la barre de la défense, nous pouvons citer deux courtes synthèses sur la pertinence des questions :
Réflexion sur les questions (d'après J .GIASSON : La compréhension en
lecture)
Les questions jouent un rôle important dans le travail sur la compréhension d'un texte. Il est important de distinguer :
✔ Les questions d'évaluation : la réponse n'est utilisée que pour dire si elle est exacte ou non, par exemple : Quel est le nom de ... Où se passe l'histoire...
✔ Les questions d'enseignement : elles permettent de faire expliciter aux élèves les stratégies qu'ils utilisent pour répondre, par exemple : qu'est-ce qui te fait dire que... ? Pourquoi le titre est-il bien choisi ?...
A propos des questions de compréhension (d'après R.GOIGOUX)
On peut utiliser différents types de questions :
✔ Questions littérales ponctuelles : trouver où la réponse se trouve dans le texte,
✔ Questions littérales globales : recomposer entre elles des informations éparses dans le texte,
✔ Questions inférentielles :
◦ Inférences de liaison : établir des liens entre des informations prises dans le texte,
◦ Inférences interprétatives : établir des liens entre des informations du texte et desconnaissances antérieures du lecteur.
Nous pouvons rapidement en tirer comme conclusion que ce ne sont donc pas les « questions » qui sont à proscrire mais bien les enchaînements de questions, les listes, les litanies de questions. Ce n'est donc pas tant la « question » que le « questionnaire » qu'il est nécessaire (pour davantage d'efficacité) d'interroger.
Au préalable à l'étude d'un texte ou d'une œuvre, quatre
questions à se poser
1. Qu'est-ce que j'ai apprécié – ou découvert – dans ce texte que je projette de partager et de faire découvrir aux élèves ?
2. Quelles questions souhaiterais-je que les élèves se posent à l'issue cette lecture ?
3. Quelles notions ai-je le projet d'aborder à l'occasion de cette lecture ? (De quoi les élèves ont-ils besoin ?)
4. Quelles activités à mettre en place pour que les élèves atteignent ces objectifs ?
[1] Cette réflexion fit l’objet d’une publication. Vincent Massart, (2009)« Peut-on faire oublier les questions aux élèves ? », Lire au lycée professionnel, n°60.