Si vous voulez tenter l'expérience de la création d'un mobile poétique, offrant vos mots sur une face et vos calligraphies abstraites sur l'autre, réserver votre week-end du 8 et 9 juin 2024.
Ambiance champêtre, conviviale, bonne humeur et réussite garantie. Vincent assure l'animation des ateliers d'écriture poétique et Josse celui des ateliers d'encres.
Seulement 5 places pour ce stage, inscrivez-vous au plus vite !
Lieu : St Didier sous Riverie (69)
PAF au choix : 100 € (tarif réduit) / 125 € (prix d'équilibre) / 150€ (prix de soutien)
Matériel fournit - Repas du dimanche inclus.
"La poésie relève d'abord d'un principe premier et fondateur d'incertitude.
Elle est donc d'abord un scepticisme, je veux dire une quête de l'ouvert qui récuse l’immobilisation tant dans le pessimisme arrêté que dans l'optimisme béat.
Elle nait du pressentiment que toute vue des choses, toute nomination, tout concept,
toute définition, pour indispensables qu'ils soient, tendent à clore le réel
et à en limiter la compréhension.
Là où l'histoire humaine, par nécessité, organise, classe, catégorise, fixe et ordonne,
elle récuse la segmentation et l'immobilisation du sens. Tout poème est un démenti à la donnée immédiate et objective puisqu'il se donne pour fonction de rendre sensible,
donc perceptible, ce que l'évidence obnubile."
Jean-Pierre SIMEON, la poésie sauvera le monde, le passeur éditeur, p.26/27
Nous avons découvert le POETIMATON,
un dispositif inventé et proposé par Emmanuel, et vécu en sa compagnie,
un moment plein de surprise, entre poésie et magie.
ENIVREZ-VOUS
Il faut être toujours
ivre.
Tout est là :
c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du Temps
qui brise vos épaules
et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ?
De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois,
sur les marches d'un palais,
sur l'herbe verte d'un fossé,
dans la solitude morne de votre chambre,
vous vous réveillez,
l'ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent,
à la vague,
à l'étoile,
à l'oiseau,
à l'horloge,
à tout ce qui fuit,
à tout ce qui gémit,
à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante,
à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est ;
et le vent,
la vague,
l'étoile,
l'oiseau,
l'horloge,
vous répondront :
"Il est l'heure de s'enivrer !
Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps,
enivrez-vous ;
enivrez-vous sans cesse !
De vin, de poésie, d'amour ou de vertu, à votre
guise."
Baudelaire, Le Spleen de Paris, XXXIII
Prière d'un petit enfant nègre de Guy Tirolien
Seigneur, je suis très fatigué.
Je suis né fatigué.
Et j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq
Et le morne est bien haut qui mène à leur école.
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.
Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches
Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois
Où glissent les esprits que l'aube vient chasser.
Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers
Que cuisent les flammes de midi,
Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers,
Je veux me réveiller
Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs
Et que l'Usine
Sur l'océan des cannes
Comme un bateau ancré
Vomit dans la campagne son équipage nègre...
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.
Ils racontent qu'il faut qu'un petit nègre y aille
Pour qu'il devienne pareil
Aux messieurs de la ville
Aux messieurs comme il faut.
Mais moi, je ne veux pas
Devenir, comme ils disent,
Un monsieur de la ville,
Un monsieur comme il faut.
Je préfère flâner le long des sucreries
Où sont les sacs repus
Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune.
Je préfère, vers l'heure où la lune amoureuse
Parle bas à l'oreille des cocotiers penchés,
Écouter ce que dit dans la nuit
La voix cassée d'un vieux qui raconte en fumant
Les histoires de Zamba et de compère Lapin,
Et bien d'autres choses encore
Qui ne sont pas dans les livres.
Les nègres, vous le savez, n'ont que trop travaillé.
Pourquoi faut-il de plus apprendre dans des livres
Qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici ?
Et puis elle est vraiment trop triste leur école,
Triste comme
Ces messieurs de la ville,
Ces messieurs comme il faut
Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune
Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds
Qui ne savent plus conter les contes aux veillées.
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école !
Poème de Guy Tirolien
Léopold Sédar Senghor
(éd.), Anthologie de la nouvelle poésie nègre de langue française,
Paris, Presses Universitaires de France, 1977, pp. 94-96
J'entre dans un mot
comme au creux d'une grotte creusée par d'autres,
où je peux vivre, moi aussi.
C'est cela une langue maternelle.
C'est une maison qui accueille.
Vous pouvez nicher tranquille.
Et c'est immense.
Ça n'a pas de frontière.
Il suffit d'apprendre.
Comprenez.
Apprendre peut être une merveille.
La langue ne vous demandera jamais votre carte d'identité.
Elle est là, disponible, dans la bouche de ceux qui vous parlent.
Et chacun de nous peut.
Jeanne Benameur
Comme on respire, Éditions Thierry Magnier